La Réalité Crue : La Précarité des Photographes de Sport en Lumière en 2024

par | J,Jan,2024 | Photographe de Sport | 4 commentaires

Dans l’univers de la photographie sportive et dans la continuité de mon précédent article sur la presse sportive, une réalité souvent passée sous silence émerge, celle de la précarité des photographes qui, malgré leur passion dévorante, luttent ardemment pour gagner leur vie dans ce domaine exigeant.

Un Sujet Tabou : Lever le Voile sur la Précarité

Au cœur de cette réalité souvent ignorée, la précarité des photographes de sport demeure un sujet tabou. Cependant, briser ce silence est impératif pour susciter une réflexion collective.

Éclairer les Nouveaux Venus : Les Coulisses de la Profession

Il est crucial d’informer les jeunes photographes sur les nuances souvent ombragées de cette profession. Derrière les moments capturés se cachent des heures de travail intense, une compétition acharnée, et parfois, une rémunération dérisoire.

Concurrence Féroce : Un Combat sur Deux Fronts

Le photographe de sport se trouve au cœur d’une concurrence féroce. D’un côté, il rivalise avec d’autres professionnels pour décrocher des contrats, et de l’autre, il doit faire face à une concurrence gratuite provenant d’amateurs passionnés. Ces derniers, parfois par naïveté et par excès de générosité, offrent leurs images gratuitement, dévaluant ainsi le travail des experts.

Photographes Pro Occasionnels : Un Double Jeu Destructeur

La présence de photographes professionnels travaillant occasionnellement, souvent pour des sommes dérisoires ou gratuitement car ils ont un CDI dans un autre domaine à côté et qu’ils sont contents de rencontrer leurs idoles, crée une double peine. Elle complique la tâche des photographes qui tentent de vivre de leur art, altérant la perception de la valeur de leur travail.

Budgets Dérisoires : Une Réalité Financière Éprouvante

La photographie sportive, bien que captivante, expose souvent les professionnels à une réalité financière déconcertante. Les budgets attribués ne correspondent guère à la juste valeur du travail fourni. En effet, les rémunérations oscillent fréquemment entre  150/200€ par journée de travail, un écart considérable par rapport aux tarifs pratiqués dans d’autres secteurs. Il convient de souligner que, normalement, un professionnel de la photographie pourrait s’attendre à une rémunération minimale de 700€ par journée de travail, sans même prendre en compte les frais annexes tels que l’hébergement, l’alimentation et les déplacements.

Bénévolat Déguisé : Un Paradoxe Injuste

Certains organisateurs, même pour des événements internationaux médiatisés, font appel à des photographes bénévoles, justifiant cela par la passion et la visibilité, créant ainsi des conditions de travail équivalentes à un emploi salarié, mais sans compensation financière adéquate. Une pratique qui soulève des questions éthiques sur la reconnaissance du travail du photographe.

Contraintes Financières des Athlètes : Une Influence Néfaste

Il est essentiel de reconnaître que la situation financière difficile n’est pas uniquement imputable aux athlètes, organisateurs et équipes. Les contraintes budgétaires, la recherche de sponsors, et même la difficulté pour les athlètes renommés de vivre de leur sport, contribuent à cette réalité complexe.

On n’en parle pas beaucoup, mais certains athlètes connus du grand public ne bénéficient d’aucun salaire, à l’exception de quelques primes et de potentiels soutiens financiers de sponsors. De plus, ils sont contraints de prendre en charge les coûts de leurs déplacements pour participer à des épreuves, même lorsqu’ils représentent leur pays. Ils doivent également assumer les frais liés à l’acquisition de leur matériel (Si pas de sponsors), aux structures d’entraînement, et parfois, sont contraints de poursuivre une activité professionnelle parallèle pour subvenir à leurs besoins financiers. C’est une triste réalité que beaucoup ne connaissent pas.

Charge de Travail Écrasante : Un Équilibre Fragile

Les photographes de sport se voient souvent contraints de multiplier les contrats sur une épreuve pour gagner plus, augmentant ainsi leur charge de travail. Des semaines de 60/120 heures sur certains événements deviennent monnaie courante pour tenter de joindre les deux bouts, pour finalement gagner moins qu’un SMIC horaire. Un photographe de sport, est plus là par passion que pour gagner sa vie malgré que ce soit son domaine de prédilection et sa spécialité.

Agences Géantes vs Photographes Indépendants

Un défi majeur auquel les photographes de sport indépendants sont confrontés est la concurrence grandissante avec des agences de renom telles que Getty Images. Ces mastodontes du secteur disposent de budgets énormes et d’une base clientèle gigantesque, leur permettant de proposer des abonnements annuels à des tarifs relativement bas, misant ainsi sur la masse pour maximiser leurs profits.

Par exemple, une agence comme Getty Images peut offrir un abonnement annuel à 6000€, fournissant des images couvrant toutes les courses du calendrier à des équipes professionnelles. Bien que cela puisse sembler peu rentable pour un client individuel, l’impact financier devient considérable lorsqu’ils proposent cette prestation à plusieurs équipes, atteignant ainsi des revenus tels que 120 000€ pour une vingtaine de client. À noter que ces agences ne se limitent pas à un seul sport ni à un unique domaine de la photographie, élargissant ainsi leur champ d’action et générant des millions, voire davantage, en misant sur la quantité.

Un autre exemple réside dans une agence proposant un abonnement annuel de 500€ à des athlètes pour des photos couvrant toutes les épreuves de la Coupe du Monde. Bien que le coût individuel soit modeste, si l’agence parvient à conclure des contrats avec 200 athlètes, les revenus annuels s’élèvent à 100 000€, sans compter d’autres contrats divers supplémentaires.

À un niveau plus modeste, en tant qu’indépendant, il devient quasiment impossible de rivaliser avec de telles agences. Les ressources financières et l’envergure nécessaire pour concurrencer ces géants du secteur dépassent souvent les moyens des photographes indépendants, créant ainsi une inégalité criante sur le marché. Ce défi supplémentaire accentue la précarité financière des photographes de sport indépendants, soulignant la nécessité d’une réflexion collective pour instaurer une plus grande équité dans cette industrie exigeante.

Appel à la Reconnaissance et au Changement

En conclusion, il est temps de reconnaître ouvertement la réalité difficile des photographes de sport et de s’engager vers un changement positif. En brisant le tabou, en informant les nouvelles générations, et en promouvant des pratiques équitables, le milieu de la photographie sportive pourrait évoluer vers une profession plus durable et respectée.

4 Commentaires

  1. Basile Ertaud

    Félicitations pour cet article complet decrivant bien la situation actuelle dans l’industrie. Une réalité que beaucoup cherchent à cacher.

    Réponse
    • Flotographie

      Merci. J’ai hésité à en parler, un peu peur que ça me porte préjudice, mais je pense qu’il ne faut plus hésiter à dire les choses. Surtout que beaucoup de photographes qui se lancent en sport, vont croirent que le problème vient d’eux…

      Mais la réalité est très loin de ce que l’on peut voir sur les réseaux sociaux… Malheureusement, même si certains photographes connus en sport donnent l’impression de très bien vivre, beaucoup font un autre domaine de la photo à côté, proposent d’autres services ou font énormément d’heures pour en tirer un salaire finalement pas si extraordinaire que ça.

      Réponse
  2. Pyrros

    L’analyse est assez juste même si 700 €/jour, c’est un peu faible.

    De mon côté, j’ai pu voir des compétitions s’organiser avec un budget sous-évalué ne permettant pas de payer le photographe, dans le même temps le traiteur, lui, était bien payé… Le problème est souvent le même, le cout du photographe n’est pas prévu ce qui ne permet pas de provisionner de quoi payer ses services.

    Même en mutualisant pour plusieurs sportifs/équipes/médias, il reste difficile de rentabiliser et ici les « pro occasionnels » ceux que j’appelle les photographes gris (https://pyrros.fr/coup-de-gueule/photographe-professionnel-amateur-ou-photographe-gris/) sont parmi les premiers responsables.

    Réponse
    • admin

      On est d’accord pour le 700€, c’est un minimum à ne pas passer en-dessous. Mais déjà que je dois me battre pour appliquer ce tarif, je me vois mal demander plus pour le moment.

      En ce moment, de mon côté si je le rapporte à un pourcentage, c’est 100 demandes clients, 90 que je dois refuser pour ne pas travailler à perte, 10 devis envoyés et 9 clients qui ne répondent plus à mes messages après réception, car un concurrent à proposé 100€ tout compris, alors que moi 800€ avec les frais de déplacement.

      Pour être dans le milieu depuis un paquet d’année, c’est exactement ça ! Et ils prennent du coup souvent un bénévole…

      Je vais lire ton article, merci.

      Réponse

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