Photographie Professionnelle : Un métier dévalorisée

par | J,Août,2024 | La Photographie | 0 commentaires

Bonjour à tous,

Je suis photographe professionnel à 100% depuis octobre 2019, mais je fais de la prestation photographique depuis 2007.

J’ai toujours essayé d’être carré en respectant les lois, mes confrères, le marché, même lorsque cela pouvait être en ma défaveur. Je pense que j’ai encore beaucoup à apprendre en marketing et du côté commercial, mais cela n’explique pas totalement toutes les difficultés que je rencontre à ce jour.

Depuis quelque temps, même si cela m’a été déconseillé par d’autres photographes, je ne me laisse plus faire et j’essaie d’éduquer à travers des articles de blog, sur les réseaux sociaux ou directement auprès de mes clients ou potentiels clients sur la réalité des choses et/ou les bonnes pratiques à adopter. Par exemple, en ce qui concerne les frais de cession, les prix du marché à respecter, le respect du crédit photo, le vol de photos, etc.

Mais j’ai sincèrement l’impression de faire tout cela dans le vent et qu’on laisse faire les choses.

En début d’année, j’ai contacté plusieurs confrères réputés dans le sport, dont j’avais l’impression qu’ils vivaient bien de la photographie, et leur réponse a été unanime : ils ont tous des activités annexes (community management, graphisme, etc.).

Je pensais être le seul en difficulté, car j’ai l’impression que c’est un sujet tabou, que personne n’en parle, mais d’après une récente Etude du Clap début 2024, la majorité des photographes en tant qu’artistes auteurs ou auto-entrepreneurs ont gagné moins de 5 000 € de CA sur l’année 2022, soit 417 € par mois hors URSSAF. Donc, déjà, j’ai de la chance, je m’en sors beaucoup mieux que la majorité des photographes français.

Lorsque je vois la dégradation du métier d’année en année, il serait peut-être temps de commencer à se serrer les coudes et à faire avancer les choses dans la bonne direction, plutôt que de rester chacun dans son coin…

Voici les plus gros soucis que je rencontre :

1. Reconnaissance et rémunération

Le métier de photographe est souvent sous-estimé. Nombre d’entreprises, de collectivités, d’associations, et même de particuliers refusent de payer mes services, préférant offrir une prétendue visibilité en échange de travail gratuit, ou proposant des budgets qui me feraient travailler à perte.

J’ai par exemple été contacté en 2023 par la section féminine d’un club de rugby réputé, qui voulait que je fasse 268 km (aller-retour) pour les photographier sur 16 matchs, en échange d’une publicité sur Facebook ou au micro pendant les compétitions. Ou encore, un organisateur de deux épreuves de sports mécaniques diffusées dans 80 pays m’a dit « engager » des photographes bénévoles pour faire la communication de leurs épreuves…

Mes photos sont d’ailleurs régulièrement volées et la loi est très mal faite à ce sujet. Il est donc très compliqué de récupérer son dû.

2. Concurrence déloyale et pratiques abusives

Bien que la loi ne reconnaisse pas certaines pratiques comme déloyales, leur impact sur notre profession est indéniable.

Des associations proposant des tarifs dérisoires, des amateurs et des auto-entrepreneurs avec un emploi à côté cassant les prix pour arrondir leurs fins de mois, des photographes qui sont à temps plein mais qui travaillent à perte (certes, ils ne tiendront pas dans le temps, mais malgré tout, ils font du mal à la profession), des start-up d’ubérisation ou des agences internationales qui profitent d’avoir les épaules solides et proposent des prix très bas pour gagner de l’argent avec de la « masse ».

On entend souvent que ces tarifs bas ne nuisent pas à notre marché parce qu’ils ne ciblent pas le même public. Cependant, si aucun photographe n’acceptait de travailler 15 heures pour 200 € sur un mariage, les clients n’oseraient même pas proposer ces tarifs.

Si votre client n’a pas le budget pour engager un photographe pendant 8 heures, pourquoi ne pas lui proposer une prestation avec moins d’heures de présence, par exemple ? Plutôt que d’accepter une somme qui va vous faire perdre de l’argent, tuer le marché et surtout desservir votre réputation, car le bouche-à-oreille va très vite.

Les conséquences de cette pression tarifaire sont déjà visibles, notamment dans les domaines de la photographie sportive et immobilière, où les prix bas ont déjà dévasté le marché.

J’en parle plus en détail ici : La précarité des photographes de sport

En début d’année, j’ai eu une longue discussion avec un membre influent de l’UPP. J’avais suggéré d’étudier la possibilité d’imposer un prix minimum, mais il m’a été expliqué que cela est interdit par la loi.

Cette législation, initialement conçue pour réguler les prix dans des secteurs comme la téléphonie, était une bonne idée, surtout qu’ils ont une grande base de clients et qu’il est nécessaire d’avoir un téléphone en 2024, mais elle n’est malheureusement pas adaptée à d’autres secteurs d’activités.

Le membre de l’UPP m’a également expliqué que, pour l’instant, la seule voie possible pour améliorer notre situation est l’éducation des clients et du public, ce à quoi je m’efforce de contribuer à mon petit niveau.

3. Exploitation et mépris dans la presse

La presse, qu’elle soit française ou internationale, dépend de nos images pour illustrer ses articles, mais elle ne respecte plus notre travail. Actuellement, mes photos sont mises en ligne sur le site d’une agence avec qui je travaille et elles sont diffusées sur diverses plateformes, dont AFP et/ou d’autres équivalents à l’étranger.

Les médias piochent ensuite dedans pour leurs articles. Il y a quelques années, les photos étaient vendues en fonction d’un barème (que vous pouvez retrouver ici : Barème SAIF), et le tarif variait en fonction de l’audience du média, de la taille de photo dans l’article, etc.

Aujourd’hui, les agences proposent des abonnements, du coup, si par exemple une de mes photos est publiée sur France Télévisions, je gagne 1,55 € brut.

Vous trouverez plus d’informations ici : La face cachée de la photographie dans la presse sportive

En outre, mes photos sont souvent volées, les crédits obligatoires sont omis, et les images recadrées pour masquer mon filigrane. Certains médias recrutent même des retraités pour faire notre travail (et celui d’un journaliste) à des tarifs dérisoires : 2 € pour une photo publiée, 4 € pour un article.

Ici, je parle de photographie, mais le problème existe également dans d’autres professions « créatives » telles que le graphisme, le développement web, la musique, etc.

4. La réalité du marché

À ce jour, si j’extrapole des % en chiffres, voici ma situation : sur 100 demandes de devis, je suis obligé de refuser 90 demandes, car les budgets me feraient travailler à perte, 9 ne me répondent plus ou me traitent de voleur après l’envoi du devis, et un seul accepte de travailler avec moi. Alors que j’ai appris lors de mon appel avec l’UPP que mon tarif journalier était un peu moins cher que le minimum conseillé et que je devrais normalement être à 1 000 € la journée.

Désolé pour ce roman, mais à un moment, je pense qu’il faut dire les choses et ne plus se cacher.

Qu’attendons-nous pour nous regrouper, trovuer des solutions, être solidaires et faire entendre notre voix ?

Merci.

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